R.Magritte - 1964

Et si nous faisions dans la figure de style, histoire de sortir un peu la tête des essémesses, du galimatias facebooké, du globish iphonisé.
Vous connaissez la comparaison du latin comparo qui signifie grosso modo mettre ensemble.
Exemple : Le président, en proie à une grande excitation, s’agitait comme une puce.
Vous remarquerez que l’adverbe comme appelle souvent la comparaison.
Vous pouvez utilisez la métaphore qui porte une signification vers une autre, plus imagée.
Exemple célèbre, Baudelaire : Mon beau navire ô ma mémoire, avons-nous assez navigué...
Plus prosaïque : C’était la racine du mal (mâle ? ), Il avait déclaré sa flamme à Cécilia, ce ne fut qu’une source de chagrins.
Mais il en est de plus simples, telles que se fendre la pêche, avoir la banane, ou raconter des salades.
Vous pouvez utiliser aussi la périphrase, sans excès cependant. C’est une figure de substitution.
Exemples : le plancher des vaches, pour la terre, ou le piano à bretelles pour l'accordéon.
Avec le Kakemphaton, la rencontre des sons peut donner un énoncé ridicule, frisant le calembour et défrisant votre interlocuteur.
Exemples : Laissons l’effet se faire, ou bien, à l’écoute de vos discours combien fus-je épaté de fois.
L’Oxymore est le rapprochement de deux termes contradictoires qui crée un paradoxe. Il peut être du plus bel effet.
Exemples : cette obscure clarté qui tombe des étoiles (Corneille - Le Cid) ou, après les propos du Président un silence assourdissant s’abattit sur l’Assemblée. Conscient de la gravité de l’instant, il repartit, se hâtant lentement.
L’euphémisme est une figure de substitution qui permet de rester bienveillant. Ainsi un gros monsieur sera dit enveloppé. Un discours trop long sera qualifié de très complet. Un aveugle sera dit non-voyant, un sourd mal-entendant et un crétin mal-comprenant.
La litote, pour le même résultat, utilise plutôt l’expression du contraire.
Exemple : Avec tout ce que tu as préparé, on ne mourra pas de faim.
Vous pourrez user avec modération, de la contrepéterie, qui par le déplacement d’une lettre ou d’une syllabe, produira un sens nouveau, toujours un peu coquin ou grivois.
Exemples : Le Ministre de finances décrète toutes les baisses faisables. Le député aimait les papes mais craignait les conciles.
Il est bien sûr du plus mauvais goût d’en donner la solution.
Vous éviterez absolument les clichés, ces phrases toutes faites, rebattues.
Exemples : L’assurance du Président crevait les yeux. Il évalua rapidement le nombre de participants, il avait le compas dans l’œil !
La métonymie est un procédé qui consiste à prendre un mot pour un autre. Dire par exemple : boire une bouteille alors que l’on ne boit que son contenu.
Ce qui peut donner : Le Président avait une sacrée fourchette, il engloutit son plat, but un coup de rouge et réchauffé, ôta sa petite laine.
L’apocope qui est le retranchement de la fin d’un mot est très utilisée dans le langage « parlé ».
Il sera à bannir de vos écrits. Même s’il vous est habituel d’aller au ciné, de dîner avec Sarko au restau (ou à la cafète !), personne n’oserait dire à L’Assemblée : la dette publique c’est la cata ! Quoique !
L'aphérèse est au contraire la suppression du début d'un mot, le pitaine pour le capitaine, ou le bus pour l'autobus.
Le tautogramme qui est une phrase dont tous les mots commencent par la même lettre peut être très amusant.
Exemple : Dimanche Dominique dîna délicatement d’un dodu dindon doré.
Ou bien encore : Carla sereine sifflotait sa sérénade sans cesser de sourire suavement.
Vous connaissez tous l'anantapodoton.
Il manque l'un des deux termes d'une alternative.
Exemple : On trouve des fautes d'orthografe dans ce texte ; d'autre part, certains exemples sont idiots.
Et nos discours en sont souvent remplies. Combien de "d’une part", dont on attend sans fin le "d’autre part". De "d’abord", qui n’ont jamais de suite et d’énumérations en deux points essentiels qui s’arrêtent irrémédiablement à un.
Vous éviterez les téléscopages qui sont souvent des métaphores douteuses, par la rencontre de deux expressions inappropriées. Ils peuvent donner des résultats incertains voire accablants.
Exemples : le ministre fit volte-face et se retrouva nez à nez avec l’oreille du Président.
Ou bien encore, un grand classique : La France était, il y a six mois encore, au bord du précipice, aujourd’hui nous avons fait un grand pas en avant.
Le Zeugme, est l’association, à un même mot, de deux éléments incompatibles puisqu’ils se construisent de façon différente sur le plan syntaxique ou sémantique, et qui consiste, en fait, à ne pas répéter dans une phrase, un mot ou un groupe de mots :
"Après avoir sauté sa belle-soeur et le repas de midi, le Petit prince reprit enfin ses esprits et une banane". Desproges (un chef-d'oeuvre !)
Je n’épuiserai pas toutes les figures de style, les truismes, hyperboles, épanadiploses, tautologies (un chat est un chat), boustrophédons, hypallages, amphigouris, et autres anacoluthes.
Mais si le vocabulaire vous manque, vous pouvez avantageusement créer des mots nouveaux.
Les mots valise.
En rapprochant deux mots pour n’en faire qu’un seul, vous créerez un amalgame quelque fois intéressant.
Ainsi un gros phantasme pourra être un éléphantasme.
Un ami très ingrat pourra être qualifié d’ingradouble.
Un orateur très disgracieux, ce qui est rare, pourra être nommé le paborateur.
Un ex-ministre de l’éducation nationale venimeux pourra être un nalaigre.
Un frère glouton un bafrère.
Une ex-femme de président qui ne sourit jamais, une airpincécilia.
Un jeune homme de mauvais caractère un adoléchiant.
Un président qui veut être une vedette un starkosy.
Si le même se prend pour un empereur slave, un tsarkosy.
Et puis, si les situations ne peuvent être décrites avec le vocabulaire disponible, vous pouvez également créer des mots nouveaux.
Voici quelques exemples de mots inventés, mais indispensables :
Chachazer, verbe décrivant le fait de ne jamais se souvenir en rédigeant un texte si attraper prend un ou deux p et si échappatoire (qui prend deux p) est du masculin ou du féminin.
Agroude, nom féminin décrivant le léger recul de votre voisin au cinéma, qui vous fait douter de votre haleine.
Cavote, adjectif donné à une table de restaurant qui reste irrémédiablement bancale malgré l’insertion d’un dessous de bière plié en quatre. Par extension, utilisable pour tout ce qui est bancal.
Chouir, verbe décrivant le fait de se dire « il pleut » en recevant les postillons de son voisin de table, tout en faisant semblant de n’avoir rien reçu.
Par extension, chouir peut être utilisé quand on enlève discrètement un reste de céleri mayonnaise atterri sur le col de sa veste.
Plof, nom masculin. Premier appel trop timide au serveur du café à qui vous souhaitez commander une bière (avec un dessous en carton car la table est bancale).
Plofplof, deuxième appel, plus timbré, accompagné d’un hochement de tête chargé de réprobation.
Fillionner, action de dire n’importe quoi à un journaliste en imaginant que cela vous fera exister.
Douiner, s’apercevoir avec délice que l’on n’a plus qu’un billet de cinquante euros dans sa poche au moment de la quête.
Par extension : refus anticipatif et politiquement justifié de participer à l’opération annuelle « pièces jaunes » de Madame l’ex-présidente.
Krofèle, nom masculin donné à un ami qui parle fort, dès le troisième verre, pendant le gueuleton annuel des anciens du lycée, chouit sur son voisin des lambeaux de cèleri mayonnaise, trouve la paella un peu consistante, fait remarquer qu’il a déjà mangé de la tarte aux pommes l'année dernière, règle ses huit euros par chèque et s’éclipse en douceur avant d’aider à débarrasser la salle.
Ce terme est peu usité.
Pligotie, nom féminin, recommandation aussi fraternelle et bienveillante qu’inutile d’un ami qui vous dit « attention de ne pas te couper » quand vous ramassez les morceaux du verre qu’il vient de laisser tomber.
Rigordiner, action de rechercher fébrilement la page douze d’un discours que l’on est entrain de présenter tout en pensant « j’étais pourtant sur d’avoir tout bien mis dans l’ordre ».
Par extension, le rigordin est un toc généralement généré par la vérification incessante de la pagination d’un texte.

Tous ces mots et figures de style pouvant donner, par assemblage douteux, le texte suivant :

« Les porteurs de marocain virent venir Tsarko. Souffrant d’un lumbago, il était plié comme une équerre. Charitable, le maître de cérémonie se hâtait lentement.
Après les propos du grand argentier, un silence assourdissant s’abattit sur l’assistance. « La France était, il y a six mois encore, au bord du précipice, aujourd’hui nous avons fait un grand pas en avant. Mais la croissance c’est la cata » nous dit-il. Il rigordinait, tournant fébrilement les feuilles de son discours. « J’étais pourtant sur d’avoir tout bien mis dans l’ordre » songeait-il.
« Quel budget calamiteux » clama un nalaigre, ministre colérique, catastrophé qu’on alourdisse le budget d'un paquet de kopecks complémentaires.
Le grand argentier décréta toutes les baisses faisables. Il avait le compas dans l’œil et son assurance crevait les yeux.
À l’écoute de vos propositions, commenta Starkosy, combien fus-je épaté de fois.
Il songeait in petto : « encore trois minutes, avec tout ce que Carla a préparé, on ne mourra pas de faim. ».
A table, le Président avait une sacrée fourchette, il engloutissait tous ses plats, buvait un grand rouge puis, réchauffé, ôtait sa petite laine.
Invités, les députés dinèrent délicatement d’un dodu dindon doré.
Placé près d’un collègue krofèle, l’un deux esquiva un morceau de céleri rémoulade, se détourna brusquement, se retrouvant nez à nez avec l’oreille de son voisin.
Le repas courrait à sa faim fin.
La première dame de France (!) fit une quête pour le Darfour, supportant sa sébile, sifflotant sa sérénade sans cesser de sourire suavement. Faux-cul, un député douinait la ferraille que contenait son futal.
Douze plombes chialaient à la dégoulinante. »


F. D.